Esther Trépanier en conférence au MNBAQ afin de favoriser la venue de l’exposition de McQueen

Mercredi 3 mai dernier avait lieu, au MNBAQ, l’intéressante conférence intitulée : quand l’avant-garde artistique s’investit dans l’apparence vestimentaire. Conférence présentée par Esther Trépanier, docteure en histoire de l’art, qui s’inscrit dans le cadre des activités entourant la venue de la prometteuse exposition mode en juin prochain intitulée Alexander McQueen : l’art rencontre la mode.

Parfois, la mode s’invite au musée et cette journée-là une salle bondée d’un public curieux d’en apprendre davantage sur cette relation fusionnelle entre l’art et la mode a été conquis.

Lorsque l’art rencontre la mode :

Les sources d’inspiration d’un créateur de mode sont nombreuses. Parmi celles-ci, il y a les voyages, les tissus, l’histoire, les tendances de société, tout peut inspirer un designer et particulièrement les arts comme l’architecture, la peinture, la sculpture, la danse, la musique, le théâtre ou le cinéma.

Lors de cette conférence, qui couvrait la période du début du siècle jusqu’à de nos jours, Esther Trépanier a abordé les thèmes suivants : le mouvement « réforme » en mode, quand la révolution artistique repense l’apparence vestimentaire, autour de la Révolution russe avec le constructivisme et le productivisme, une artiste qui possède sa propre maison de couture : Sonia Stern Delaunay, la collaboration entre les artistes et les maisons de couture, les couturiers qui s’inspirent de l’art pour créer et le vêtement comme médium pour la réalisation de l’œuvre d’art.

Et, quelques exemples retenaient l’attention.

Le mouvement « réforme » en mode

Le corset féminin est porté pendant plusieurs siècles. Au début du XXe siècle, des enjeux médicaux se posent sur la santé des femmes en regard du port du corset.

Emilie Louise Flögue, compagne de Gustav Klimt, propose alors des modèles dits de mouvement de réforme. La silhouette des styles est droite, le vêtement s’attache parfois à l’épaule et les robes créées laissent une grande liberté de mouvement. Cette tendance fait contrepoids et est symbole d’émancipation face aux diktats de la haute couture française.

Par contre, les femmes se sentent dénudées sans leur corset et ces styles, juger trop révolutionnaires pour l’époque, sont alors portés par une minorité de femmes.

Quand la révolution artistique repense l’apparence vestimentaire

Avec la venue de la photographie, la peinture, qui est alors figurative, devient un art plus abstrait afin d’évoluer vers le cubisme. La mode évolue également en ce sens et Giacomo Balla propose notamment un costume futuriste aux couleurs vives et aux formes géométriques qui s’inspire du tableau de Luigi Russolo intitulé : La Rivolta.

On prône alors l’égalité et le nivellement des classes sociales. Un manifeste italien voit le jour en septembre 1914 intitulé : Il vestito antineutrale afin de modifier les codes vestimentaires établis.

Autour de la Révolution russe avec le constructivisme et le productivisme

Cette période historique marque le moment de la seconde révolution industrielle avec la venue de la fabrication en série. En 1921, Singer lance une machine à coudre alimentée d’un moteur électrique. En Russie, le design textile se développe grandement.

Les robes créées par Liubov Popova en 1924 sont élégantes et les femmes peuvent les reproduire facilement à la maison grâce aux avancées technologiques telles que les machines à coudre plus performantes.

Les vêtements de travail comme les salopettes et les combinaisons une pièce deviennent tendances. Les coutures sont apparentes et elles doivent être montrées afin de s’opposer aux diktats de la haute couture française.

Une artiste qui possède sa propre maison de couture : Sonia Stern Delaunay et l’orphisme

Sonia Delaunay est artiste peintre, elle s’intéresse à la création de textile et est également designer de mode. Elle crée avec son mari Robert, le simultanéisme en couleur, une technique qui vise à trouver l’harmonie à l’aide de l’agencement simultané des couleurs mettant ainsi en valeur le rôle du jeu de la lumière.

L’orphisme ici prend tout son sens, car le poème d’Orphée écrit en 1908 fait référence à une poésie pure tel un « langage lumineux ».

La collaboration entre les artistes et les maisons de couture

Raoul Dufy qui est notamment illustrateur réalise des imprimés textiles pour la maison de couture de Paul Poiret. Son art est délicat, le trait de crayon est fin et le motif de la rose domine souvent dans son travail.

Les couturiers qui s’inspirent de l’art pour créer

Le mouvement surréaliste en peinture procure parfois des modèles des plus surprenants lorsque les créateurs de mode s’en inspirent. Elsa Shiaparelli s’inspire à cette époque du tableau de Salvador Dalí intitulé : le cabinet anthropomorphique pour créer un tailleur à poches tiroirs. Or, sur ce tailleur, comment peut-on ouvrir les tiroirs qui s’y trouvent ?

D’autres créateurs de mode comme Jean-Paul Gaultier, Issey Miyake et Jean-Charles de Castelbajac tirent également leurs sources d’inspiration de toiles célèbres.

Le vêtement comme médium pour la réalisation de l’œuvre d’art

Le processus de création prend ici un tout autre sens, car c’est le vêtement qui devient le médium de travail. Naomi London réfléchit, ici, sur le rapport qu’entretiennent mère et fille qui est en sorte fusionnelle. Elle exprime par cette œuvre allégorique le fait de rompre ce lien maternel, cette distance, cet éloignement progressif.

Bref, une enrichissante conférence qui a permis d’apprécier cet avant-gardisme artistique qui se glisse graduellement dans notre garde-robe afin de constamment faire évoluer la mode.

À propos d’Esther Trépanier :

Esther Trépanier a œuvré de nombreuses années dans le domaine des arts et de la mode autant à Québec qu’à Montréal. Professeure émérite du département d’histoire de l’art de l’UQAM où elle a enseignée de 1981 à 2020, elle a été également directrice de l’École supérieure de mode de Montréal de 2000 à 2007 puis directrice générale du MNBAQ de 2008 à 2011. Esther Trépanier est également l’auteure de nombreuses publications concernant l’art québécois et canadien des premières décennies du XXe siècle ainsi que concernant les questions relatives à la modernité.

Photographies : travail personnel tiré de la présentation d’Esther Trépanier, 3 mai 2023, Musée National des beaux-arts de Québec.

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