
Hier, 12 février 2025, avait lieu au Musée national des beaux-arts du Québec, le lancement médiatique de l’intéressante exposition collective mettant en vedette les remarquables œuvres de Rémi Belliveau, de Santiago Tamayo Soler, de Michelle Lacombe, d’Eruoma Awashish et d’Anne-Marie Proulx. Artistes qui sont les lauréats de la nouvelle édition du Prix en art actuel du MNBAQ. Et, prix qui ont d’ailleurs été dévoilés au printemps 2024.

Cette avant-gardiste exposition qui débute aujourd’hui, 13 février et se poursuivra jusqu’au 21 avril 2025, permet de découvrir cinq univers foisonnants de créativité et de sensibilité. Et, c’est ainsi que des thèmes chers aux artistes tels que le territoire, la culture, la migration des peuples et l’identité personnelle s’inscrivent au cœur de la démarche artistique de ces cinq lauréats.

La nature, qui est au cœur de la préoccupation de ces jeunes artistes, s’exprime ainsi dans toute sa beauté. Parfois dans des œuvres à caractère historique ou encore dans des paysages qui ont été modifiés par l’être humain. Cette nature se dévoile également par la littérature ou bien par d’intéressantes cartes postales numériques.

Ces œuvres surprendront le public par la diversité de l’approche artistique suggérée et par la richesse des parcours proposés. Les pratiques artistiques variées vont de l’installation picturale et spatiale à la vidéo, en passant par la photographie, la peinture, le body art et la musique. Et, c’est ce qui rend cette exposition si enrichissante !
L’univers artistique de Rémi Belliveau

L’artiste queer s’intéresse à son héritage culturel acadien dans lequel iel a vécu.e toute sa vie. Entre la fiction et la référence artistique, Rémi Belliveau travaille depuis 2018 sur un projet à long terme inspiré de Joan Dularge, musicien.ne phare du rock progressif acadien des décennies 60 et 70 dont l’existence est complètement fictive et imaginée par l’artiste.


Cette vidéo a été filmée dans les vestiges du Fort-Beauséjour, à Aulac, au Nouveau-Brunswick et celle-ci intitulée : L’Empremier Live à Beaubassin, 1970 s’inspire des chansons et albums de Pink Floyd dont Live at Pompeii réalisée en 1972.
Par le biais de reprises psychédéliques de chansons comme Le mitan du siècle qui s’en vient écrite par Beausoleil Broussard ou bien La ballade de Jackie Vautour écrite par Zachary Richard, l’artiste tente de créer un mythe, un genre de fiction historique dans laquelle résonne une identité singulière et évolutive inspirée de son Acadie natale et de sa propre identité en tant que personne queer.

Lorsque d’ailleurs l’on entre dans cette salle muséale, nous sommes tout de suite transportés dans cet univers musical et visuel de ces décennies éclatées. Et, pour tous ceux qui ont vécu cette époque, cette œuvre nous plonge avec nostalgie dans notre jeunesse bien aimée.

L’univers artistique de Santiago Tamayo Soler

L’artiste qui vit et travaille à Montréal est né, en 1990, à Bogota, en Colombie. Il crée d’impressionnants univers numériques dans lesquels il amalgame des éléments d’archives comme des vidéos, des photographies et des images qu’il trouve via le Web.
Artiste engagé, les environnements qu’il créé explorent l’identité latino-américaine à travers le spectre de la diaspora.

Dans la vidéo présentée lors de l’exposition, on y voit une version animée de ces paysages. Santiago Tamayo Soler invite d’ailleurs les membres de la diaspora colombienne à raconter des souvenirs qui ont marqué leurs premières années de vie au Canada.
Il offre, à travers cette grande œuvre, un espace permanent et symbolique qui célèbre leur importance au sein de la communauté colombienne grandissante au Canada.

Postales, est une série de quatre cartes postales illustrant des éléments de paysages canadiens et colombiens. Les nouveaux paysages canadiens pour l’artiste proposent une vision bien personnelle de l’immigration colombienne chez nous, par lesquels Soler explore la subtile transition entre les deux situations.
Ces belles cartes postales, qu’il adresse à sa famille en Colombie, relatent des moments charnières de son expérience personnelle en tant qu’immigrant en sol canadien.

L’univers artistique de Michelle Lacombe

L’artiste songé vit et travaille à Montréal. Elle a développé au fil des ans une pratique artistique bien personnelle en art corporel se situant entre les arts visuels et l’art action.

Son travail, qui est tourné vers le body art, explore son propre corps, la place qu’il occupe dans la société et à travers l’histoire. Son corps devient ainsi l’espace d’une transformation contrôlée, procurant de ce fait des références symboliques, historiques et formelles.
Ce processus créatif se manifeste notamment par le dessin sous la forme de tatouages ou bien de scarifications auxquels elle accorde des valeurs positives et libératrices.

L’univers artistique d’Eruoma Awashish

Artiste engagée issue des Premières Nations, elle est Atikamekw Nehirowisiw et a grandi dans la communauté d’Opitciwan en Haute-Mauricie, son univers artistique est fabuleux.
Empreinte de spiritualité et de symbolisme bien personnels, la démarche artistique d’Eruoma Awashish est bien souvent décrite comme une offrande.

L’œuvre installée au sol dans l’espace muséal et intitulée : Nimisak otci / Pour mes soeurs, créée en 2025, en est un bon exemple. L’artiste explorant, par le biais de cette œuvre magistrale, le métissage culturel et la métamorphose pousse ainsi l’audace jusqu’à combiner la spiritualité autochtone à la religion catholique.


L’artiste intègre également bien souvent des auréoles lors de la réalisation de ces œuvres, ainsi que des effets de symétrie qui sont inspirés du Test de Rorschach élaboré en 1921.

La forêt bienfaisante
Lors de la diffusion de la vidéo onirique intitulée Kiwew/Elle entre chez elle, la fille d’Eruoma Awashish, Onimskiw, court dans le bois et elle rejoint ainsi ses sœurs disparues, certaines de façon cruelle, au cœur du territoire de ses ancêtres.

Cette œuvre est intéressante, car la forêt selon le regard que nous, occidentaux, posons sur celle-ci est bien souvent menaçante selon notre imaginaire collectif. Or, il en va tout autrement pour les autochtones, car cette forêt représente plutôt un lieu d’apaisement, d’accueil et de protection.


L’univers artistique d’Anne-Marie Proulx

L’artiste vit et travaille à Saint-Roch-des-Aulnaies et à Québec. Elle a également présenté plusieurs expositions personnelles et collectives au Québec et à l’étranger.

Lors de son processus créatif, Anne-Marie Proulx qui est photographe se plaît à disperser ses photographies dans ses installations afin de transmettre le récit de ses lectures, ses expéditions et de ses rencontres.


L’installation photographique intitulée : Être encore réalisée entre 2024 et 2025 s’inspire du parcours de Flora Fontanges qui est l’héroïne du roman Le premier jardin écrit par Anne Hébert en 1988. Forte de cette inspiration, l’artiste rassemble des images et des textes résultant d’une vision personnelle de l’ouvrage.

Cette œuvre grandiose inspire de nouvelles avenues à partir du voyage littéraire de Flora Fontanges et de la traversée transatlantique bien réelle qu’a effectuée l’artiste. D’ailleurs, ce n’est pas par hasard si le motif de fenêtre est présent dans cette installation, à côté d’un miroir usé par le temps.

Ces images semblent de plus chavirer comme ont tangué les bateaux qui ont inspiré l’artiste et Flora Fontanges, reflétant ainsi le profond vertige de toute quête identitaire absolue.

Bref, si vous êtes de passage par la belle ville de Québec ou bien y habitez déjà, cette exposition est définitivement à voir pour être transporté dans ces cinq univers distinctifs si poétiques !
Photographies, travail personnel et François Berthiaume, Musée des beaux-arts du Québec, Québec, 12 février 2025.