
Mercredi avant-midi 16 octobre 2024, c’était le lancement médiatique de la très attendue exposition présentée au Musée national des beaux-arts du Québec jusqu’au 21 avril 2025 et intitulée : Premiers jours. Œuvres autochtones de la Collection McMichael d’art canadien. Et, quelle enrichissante visite passée à découvrir les nombreux artéfacts Art & Mode de cette grande exposition issus de ces riches communautés culturelles autochtones.

Lors de cette belle visite, DL Vision Mode s’est particulièrement attardée aux intéressants artéfacts issus de la mode tels que les accessoires et les vêtements afin de les raconter en images et en mots.

L’art autochtone est à l’honneur au MNBAQ par le biais de cette importante exposition grâce à la mise en circulation de la Collection McMichael d’art canadien du musée de Kleinburg en Ontario.
Cette exposition internationale permet ainsi le rayonnement de plus de 50 artistes issus de 13 nations autochtones différentes. Se déployant d’un océan à l’autre du Canada, celle-ci permet notamment de découvrir près de 110 œuvres qui démontrent les traditions issues du passé et également des pratiques artistiques contemporaines.

Séparée en huit inspirants thèmes, cette magnifique exposition permet au visiteur de plonger littéralement dans l’histoire artistique des peuples autochtones du territoire qui se nomme aujourd’hui le Canada.

Ouvrir le dialogue avec humour

Ce premier thème met à l’avant-plan le travail des artistes qui privilégient, au centre de leur démarche créative, l’humour afin d’approfondir la réflexion et la discussion favorisant ainsi les échanges et la compréhension mutuelle.
L’artiste Dana Claxon, issue de la tribu Hunkpapas, par cette représentation de coiffe, évoque, de façon humoristique, la densité des relations entre les femmes et la complexité de ce que représente l’identité autochtone de nos jours.
Afin de réaliser cette œuvre que j’ai adorée d’ailleurs l’artiste a photographié plusieurs femmes de son entourage, chacune présentant une collection de ses propres objets culturels. L’image qui est installée dans le boitier à éclairage DEL inspire le réseau privilégié des relations qui forgent l’identité de ces femmes.
L’artiste semble également se poser la question : dans quelle mesure voit-on une personne au-delà des nombreuses apparences et suppositions que l’on se fait à son sujet ? (1)
L’héritage de Norval Morrisseau et des artistes anishinaabe.

Cet intéressant thème est consacré à celui que l’on considère comme étant le pionnier de l’art contemporain autochtone canadien et de ses tenants. Norval Morrisseau, 1932-2007, était un peintre abstrait anishinaabe qui s’inspirait pour créer d’idées et d’histoires qui repoussaient visiblement les limites temporelles et spatiales.
L’artiste et spécialiste anishinaabe Bonnie Devine explique « Morrisseau décrit ici un canal – il y a des ouvertures en haut et en bas – qui reflète d’importants concepts spirituels et métaphysiques des Ojibwa » .
« Il y a aussi une référence biologique au corps, à l’utérus et au développement du fœtus. Une grande part de l’iconographie des pétroglyphes et des pictogrammes traite de la naissance comme métaphore du développement de l’esprit et du concept de transformation. Il y a aussi une référence de transformation. Il y a aussi une référence géographique, avec l’eau d’un côté et la terre de l’autre. Enfin, c’est un autoportrait. L’artiste représente sa propre transformation en un être de pouvoir, en pleine montée vers le royaume du ciel, ou descendant dans la manifestation plus corporelle de la vie. Cet être du tonnerre peut choisir n’importe quelle direction » , précise par la suite Bonnie Devine. (2)

L’art autochtone de la côte du Nord-Ouest

Cette région comprend aujourd’hui, la Colombie-Britannique, le Yukon et l’Alaska. Et, l’art autochtone de celle-ci se distingue par son style nommé ligne figurative. Depuis plus de 2 000 ans, ces artistes autochtones réinterprètent ces lignes fluides afin de créer un univers visuel unique en son genre et où les événements historiques ainsi que les figures emblématiques prennent alors vie.
Par exemple, l’artiste Hazel Wilson, 1941-2016, a débuté à confectionner ses premières couvertures à boutons à l’âge de 15 ans. Et, elle est devenue l’une des artistes haïdas les plus respectées de sa génération. Son art lui a permis de raconter des histoires du passé et d’en préciser les enjeux contemporains.
L’histoire de l’arbre d’or
Sa série de travail des couvertures la plus célèbre raconte l’histoire de l’arbre d’or, l’épinette dorée. Cet arbre gigantesque vieux de trois cents ans aux aiguilles d’or jaune pâle et qui possède une signification particulière pour le peuple haïda. Or, cet arbre a été abattu en 1997 par un bûcheron perturbé qui, il va sans dire, n’était pas haïda, ce qui a inspiré l’artiste pour créer cette magnifique couverture. (3)

Des masques et des objets
Cet autre fascinant thème démontre notamment qu’à partir des années 1970 et 80, quelques artistes autochtones vont sur le marché de l’art destiné au grand public. Ils créent alors des œuvres aux formes traditionnelles, mais fabriquées précisément pour le contexte artistique.

Des mocassins à queues de renard
L’artiste Barry Ace propose à travers cette œuvre une réflexion concernant le travail de l’artiste franco-suisse Karl Bodmer, 1809-1893. Artiste qui a représenté les peuples autochtones durant ses voyages le long du fleuve Missouri vers les années 30 et ce, par le biais d’aquarelles au dessin soigneusement détaillé.
Dans plusieurs de ses œuvres, Bodmer documente les queues de renard qui sont fixées à l’arrière des mocassins servant à camoufler les pas de ceux qui les portent.
Barry Ace propose à son tour une paire de chaussures actuelles qui est dotée de circuits détournés de leur usage, mais représentative de cette transmission des connaissances. (4)

Le sac à bandoulière des autochtones de la culture ojibwa

Les recherches historiques sur le sujet démontrent que ces sacs à bandoulière ont été au départ fabriqué afin d’imiter les sacs de munitions ou cartouchières dont se servaient les Européens lors de leurs croisades. Il est par contre à noter que les accessoires plus anciens ne comportaient pas nécessairement de compartiments destinés à ces fins.
La forme de ces sacs a vite évoluée afin de permettre une expression identitaire plus élaborée. Par exemple afin de faire état des titres et rangs sociaux des chefs des tribus et des diverses croyances de ces peuples.
Les Ojibwa appelaient ces sacs les aazhooningwa’on, ce qui veut dire : porter à l’épaule en diagonale. Et, fait intéressant, l’incrustation des nombreuses perles décoratives augmentait le poids du sac. Or, cette large bandoulière aidait à répartir ce poids afin de favoriser le confort de la personne qui le portait. (5)

Une monnaie d’échange
Les minuscules perles de verre que l’on appelait perles de rocailles représentaient également un lucratif produit d’échange pour l’économie des régions frontalières.
Sacs et écharpe tintante

Ces trois sacs en feutre représentent les traditions de fabrication qui ont été transmises à l’artiste Maria Hupfield par ses ancêtres ojibwa. Celle-ci les recrée de nos jours avec le feutre industriel agrémenté de clochettes en étain de fabrication commerciale. Clochettes qui décorent souvent les costumes des fêtes de type pow-wow contemporaines.
Être futée
Lorsque l’artiste vend ses créations comme ses bottes, ses sacs, ses couvertures pour la danse et autres artéfacts, elle se réserve le droit de les emprunter à l’occasion et de les utiliser comme bon lui semble, renégociant ainsi les relations traditionnelles entre les peuples autochtones et les institutions inspirées du modèle européen. (6)

Cette œuvre magnifique s’intitule : couverture « Des loups dans la neige ». Vêtement qui évoque l’histoire de la mère du clan des loups auquel appartiennent les Bob et leur famille.
Une histoire émouvante
La légende raconte qu’une femme occupée à cueillir des petits fruits est littéralement séduite par un bel homme qui l’emmène chez lui. Elle en tombe amoureuse et porte ses enfants. Un jour, elle réalise qu’elle a été emmenée chez les loups. Révélation qui lui vient alors qu’elle sommeille dans la neige avec son mari loup et ses louveteaux. Après plusieurs luttes, elle parvient à retourner parmi les humains. Ses liens de parenté par contre avec les loups seront à tout jamais célébrés. (7)

L’importance des femmes dans les cultures autochtones
Ce thème de l’exposition permet de constater la force des femmes autochtones qui conjuguent leurs efforts afin de faire face à l’adversité. La solidarité entre ces femmes revêt alors une importance capitale, ce qui a pour effet de renforcer les communautés et de garder les familles unies.

La force des sœurs
L’œuvre de Faye HeavyShield intitulée Sœurs est remarquable et elle symbolise la force des femmes qui unissent leurs efforts. Certains historiens y voient une représentation de l’artiste et de ses cinq sœurs formant ainsi un cercle afin de lutter contre les menaces extérieures.
Durant son enfance, l’artiste ainsi que ses frères et sœurs ont été séparés de leur famille et envoyés dans des pensionnats où ils ne pouvaient plus parler leur langue et où ils ont subi de mauvais traitements.
Faye HeavyShield explique à propos de son œuvre que le bout fendu des souliers est en fait une allusion aux sabots des cerfs suggérant ainsi les qualités d’élégance, de force et de délicatesse de cet animal. (8)
La douleur de Jeneen Frei Njootli

Âgée de 36 ans, cette artiste a grandi dans la communauté des Vuntut Gwitchin au Yukon. Les œuvres que crée Jeneen Frei Njootli démontrent l’absence ou bien la présence du corps humain. Celles-ci sont représentées par diverses techniques qui lui procurent une réputation sans cesse grandissante.
Pour réaliser cette œuvre, les parkas ont été confectionnés à la main et ont été brodés de fourrures et de pattes de loup exprimant ainsi la relation qui unit Frei Njootli au monde animal.
Le trempage des vêtements dans le béton possède une signification toute particulière pour l’artiste : celle des liens étroits qui sont tissés entre les femmes autochtones au-delà du temps qui passe et des traumatismes vécus.
Dans cette œuvre forte, le geste de connexion entre les deux corps figure également la solidarité qui unit les communautés autochtones malgré les événements malheureux survenus au cours de l’histoire. (9)

Le contact colonial et les échanges
Cette intéressante section permet notamment de rappeler le traumatisme de la contagion comme à travers l’œuvre du Ruth Cuthand.

La pandémie de COVID-19 qui a affecté le Canada au printemps 2020 a éveillé chez l’artiste une réflexion concernant les épidémies qui ont dévasté, dans le passé, les communautés autochtones à travers le pays du 19e siècle jusqu’au début du 20e siècle.
La pandémie que nous avons vécue nous donne un aperçu du traumatisme des contagions qui ont décimé rapidement des populations autochtones entières.
À ce traumatisme s’ajoute le retrait forcé des enfants emmenés dans des pensionnats où l’hygiène de vie était plutôt déficiente, l’alimentation inadaptée et la promiscuité des lieux visible. Tous ces facteurs ont contribué à étendre les maladies et provoquer la mort.
Ruth Cuthand évoque, par cette sculpture, une reconnaissance des pertes historiques et dénonce les inégalités sociales qui persistent toujours en matière de soins de santé dans les communautés autochtones. (10)
Œuvre métaphorique de Nadia Myre

L’arctique Canadien – Artistes inuit contemporains
Ce dernier thème de l’exposition permet d’apprécier le travail des jeunes artistes autochtones. Et, depuis une vingtaine d’années, le dessin est devenu un genre artistique en soi pour cette jeune génération inuit. Ces nouveaux artistes contemporains s’inspirent du legs de leurs ancêtres pour créer des œuvres innovantes et audacieuses bien dans l’air du temps.

Itee Pootoogook est, 1951- 2004, un des membres de la célèbre famille Pootoogook de Kinngait au Cape Dorset. L’artiste créa des œuvres reconnues pour leur signature minimaliste et leur rigueur de la forme décrivant ainsi les caractéristiques austères des habitations de sa ville natale. (11)
Les scènes de la vie quotidienne dépeintes portent les marques de la vie en Arctique actuelle.

Sur cette œuvre magistrale on y voit, dans le coin droit en haut, la célèbre couverture à points de la Compagnie de la Baie d’Hudson
Bref, une exposition nécessaire qui est définitivement à voir si vous êtes de passage par la belle ville de Québec ou si vous y habitez déjà jusqu’au 21 avril 2025 afin de découvrir la richesse et la diversité de l’art autochtone à son meilleur !

Photographies : travail personnel et François Berthiaume, MNBAQ, 16 octobre 2024.
Sources recherches
Communiqué de presse, 16 octobre 2024, Premiers jours. Œuvres autochtones de la Collection McMichael d’art canadien, Musée national des beaux-arts du Québec.
(1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10) (11) Mention crédits textes didactiques de l’exposition. Sarah Milroy, commissaire. Directrice générale et conservatrice en chef de la Collection McMichael d’art canadien.
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